Il n’est pas loin de 12h45. Je sens une augmentation de la vitesse du vent. Serait-ce une « bête » rafale ou un thermique sonnant le début de la convection. Le soleil nous arrose mais il ne fait pas une température étouffante encore. Les prévisions donnaient un début de convection vers 12h local mais avec ce vent d’Est léger, il est coutumier à Graulhet que ça se mettent à bouillonner que plus tard. Pourtant depuis ce matin, on voit les cumulus grossir sur les monts de Lacaune à une altitude prometteuse. Faire un long remorqué jusque sous les bases serait une option, mais la satisfaction serait-elle totale si un beau vol en découlait alors qu’un peu de travail dans des conditions moins favorable aurait permis d’y arriver sans moteur ? Non décidément ! Surtout que le vol d’aujourd’hui est souhaité à deux planeurs. Clément armé de son Cirrus, Delta Bravo, et moi dans un des pégases, le Sierra Lima. Mon camarade n’est pas aussi optimiste que moi. Faut dire qu’il est en vacances, qu’il a volé la veille et la convection avait démarrée assez tard. Mon pégase, Sierra Lima, est en piste, pré-vol faite. La journée a été posée car les prévisions me laissaient penser que de belles choses étaient envisageables vers l’Est. Je compte donc bien en profiter ! Surtout que la veille, Bernard armé de son pégase y a tutoyé des plafonds alléchants !
Chaud bouillant, je me lance en premier. C’est bien mou derrière Bravo Charlie. Largage vers 550m sol. Les thermiques sont difficiles à centrer et l’aiguille du vario passe beaucoup de temps dans la moitié basse. Ça descend et je doute. A 300m sol, il faut se résigner à se poser. Indéniablement, c’était trop tôt. Les ISAE-iens en stage m’aident à ramener le planeur en 10 et retour à la case départ. L’après-midi avance et toujours pas le moindre signe d’un vrai thermique. Les biplaces ne se lancent pas encore. Les cumulus gonflent eux vers Gaillac, Albi et vers l’Est.
Vers 14h30, Clément repère une barbule qui gonfle légèrement à l’Ouest de Graulhet ville. Difficile d’estimer l’altitude de sa base vu qu’il n’a pas une forme bien marquée. Prenant ça pour un signe suffisant pour décoller, Clément se lance avec DB et je prends le remorqué d’après. Il confirme pendant mon remorqué que ça pousse. Je me largue à 600m sol mais le cumulus est plus à l’Ouest. Je prends chaque petit thermique me permettant de rester en local finesse 10 de l’aérodrome et finalement j’arrive sous cette barbule encore difforme. Ça pousse correctement et Clément annonce à 1500m NH qu’il reste encore 200m à prendre. Je fais le plafond, à 17NH et les options ne sont pas si nombreuses. Ce cumulus est le seul à 15km à la ronde. Le plus proche est à l’Ouest de Gaillac. Le secteur visé étant à l’Est-Nord-Est du terrain, ce n’est pas idéal mais à moins de tenter de planer, en mode prière, jusque derrière Albi, il n’y a pas le choix. Heureusement ça transite bien et ça marche à Gaillac, avec une culture de cumulus en arrière-plan. On choisit de pousser au nord pour sortir de la zone où on est limité par le FL65 de la classe C de Toulouse. Direction Caylus puis la zone « no limit ». Les varios sont excellents et prévisibles. On trace jusqu’au Sud de Najac où on accède au 2500m NH de plafond et l’option la plus intéressante en terme de forme de cumulus et de distance franchissable nous semble bien être plein Est. Cap au 90 donc ! Les deux planeurs ne sont jamais bien éloignés l’un de l’autre. La rangée de cumulus sous laquelle nous cheminons est à cheval de la limite de la classe C mais ça passe sans traverser ce mur invisible. La vitesse moyenne est plutôt bonne, les deux planeurs se tiennent et la suite du vol est prometteuse bien que Clément se souvienne de son dernier vol prématurément fini dans le secteur alors que l’objectif était similaire… Il ne sera pas déçu cette fois !
Au Sud du lac de Pareloup, le sol grimpe avant de retomber dans la vallée du Tarn et la ville de Millau. Heureusement les cumulus sont encore là et les plafonds également. Leur base large ne facilite pas la recherche du noyau, ça vole doucement dessous, en s’appuyant sur chaque aile qui se lève… Lorsqu’une se manifeste, que les fesses transmettent une poussée franche et que l’aiguille passe les +3, on enroule, presque 3000 cette fois-ci !! Plus au nord, on devine des colonnes de poussière soulevée par les tracteurs en bas. En croisant ces colonnes, le variomètre fait la fête et les 3000m NH seront franchis. Il y a de quoi faire voler les vaches ! Le superbe viaduc en bout d’aile, le DB dans l’autre, on croise jusqu’à l’Ouest de la ville de Millau. Je pense alors à Clément, qui n’ayant pas prévu des plafonds aussi élevé doit se sentir frais dans son Cirrus, en short et T-Shirt. Dans le SL, le jean est depuis longtemps rentabilisé et le pull a été passé aux alentours du FL90. Les cumulus bien large n’arrangent rien à l’histoire mais celui qui s’en plaindrait ne mérite pas de profiter de la vue qui s’offre à nous. Les gorges de la Dourbie, de la Jonte et les majestueuses gorges du Tarn sont justes là. Les Grands Causses encore humide de l’hiver offrent un spectacle inusuel lorsqu’on ne les connait qu’avec des couleurs dignes d’une savane africaine. Une rue aussi pavée qu’un CRS en 68 pointe vers le Nord-Est. Florac ? Mende ? Hélas la montre au bout du poignet indique une triste réalité. Il est déjà 17h, et ce ne sont pas encore les longues journées d’Été. Les spirales tout le long du trajet et les contacts radios avec les planeurs de Graulhet ont permis de s’assurer qu’un retour était envisageable et cette fois il va falloir faire demi-tour.
Un dernier plein, quasiment à 3200m dans une de ces colonnes poussiéreuses, pour moi et nous repartons. Clément est parti un peu plus bas un peu plus tôt. Les cumulus sur le chemin de Saint-Affrique semblent être la meilleure option. Axe Sud-Ouest donc. Les plafonds baissent progressivement et un long plané sans ascendance commence. On suit le Mac Ready calé à 0 dans un air trop calme. Il y a quelques restes sous des cumulus mourant mais le DB, un peu plus bas galère à trouver de quoi monter. Etant en local finesse 25 de Castres, sans vent, je poursuis vers le Sud-Ouest car il reste des bases suffisamment prometteuses sur les monts de Lacaune qui me permettrait de sauter jusqu’à Graulhet et au pire, de poser à Castres. C’est à contre cœur que je dois laisser mon compagnon de vol jardiner en local de Saint-Affrique, trop bas pour passer jusqu’à Castres, alors que j’imaginais un retour sur le fil en patrouille à finesse max puis un conteste de celui qui se pose le plus tard… Il passe sur la fréquence du terrain pour anticiper un éventuel posé extérieur. Je le rejoins après avoir prévenu les Graulhetois pour suivre sa progression.
Pendant ce temps je continue mon chemin jusque vers Lacaune. C’est mou sous les grosses bases. J’envisageais de poursuivre jusqu’au pic de Nore, mais ayant trouvé le local de Graulhet, finesse 25 avec 300m de sécurité, je trouve plus raisonnable de ne pas le quitter. Je me lance aux alentours du km 30 de Graulhet vers 1800m NH, lorsque Clément annonce avoir trouvé de quoi monter, il passe les 2000 et donc ce sera au moins Castres ! Lancé dans le bleu, je cherche à temporiser pour l’attendre mais l’air calme n’engage qu’à la ligne droite directe vers le terrain. De retour sur 119.65, les nouvelles fusent.
Avec le soleil couchant, les températures qui augmentent avec la proximité du sol, l’absence totale de turbulence et 95 au badin, le retour se fait dans un calme digne d’une bibliothèque de monastère de moines muets. Une montgolfière décolle vers Lautrec et se laisse dériver dans cette masse d’air bien éloignée de celle nous propulsant quelques heures plus tôt. Des vérifications visuelles régulières, quelques calculs de locaux et leur confirmation sur le GPS confirment que ça devrait rentrer avec un peu de gras. Le SL donne le meilleur de lui-même lorsque Clément annonce avoir retrouvé le local également ! Les remorques iront faire un tour une autre fois ! Se dessine alors sur mon visage un sourire de gosse. Arrivé vertical de LFCQ, je tente de résister à l’appel du sol mais la ville, la carrière, les collines au sud et même la vent-arrière (!) ne donnent rien. Il faut donc se poser après un peu d’esbroufe à grande vitesse. Clément fait son arrivée vertical terrain 10 minutes plus tard avec un bel atterro dans la foulée. Il est bon, le garçon !
Démoustiquage des bords d’attaques qui se réchauffent encore, débrief du vol avec mon compagnon de vol et les copains pendant le rangement, apéro et barbecue dans une belle ambiance typiquement ATVV-ienne ! Le rêve pour une journée de vol de début de saison ! Le long remorqué envisagé vers midi est relégué à « solution de facilité sans classe » pour cette journée. On verra pour une autre !
Des belles images il en restera de cette journée : le départ pas évident, la branche à grande vitesse entre le Sud Najac et Millau, la vue sur le Viaduc, les Gorges et les Grands Causses, ce retour presque parfait, la quasi-totalité de ce circuit en patrouille, le barbecue de fin de journée et surtout ce sentiment d’avoir profité, du mieux qu’on pouvait, de cette journée. Ce petit vent d’Est, il amène parfois de belles choses ! Merci à tous, celles et ceux, qui ont participé à ce Lundi haut en couleurs.
Séb VVol du Lundi 13 Avril 2015